Présentation
Ceci est l'histoire de Léa, une éco-anarchiste du 21ème siècle. Sa vie se déroule dans un futur proche, qui sera peut-être bientôt le nôtre...
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Chapitre 1
2042 – Zone Libre de l’ancienne Bretagne – Forêt d’Yffendic – Territoire du Peuple Sauvage
Cache-cache.
Ils ne peuvent nous voir de là-haut. Nous sommes invisibles dans la végétation. La forêt est devenue notre seconde peau.
Les hélicos continuent à patrouiller au-dessus des arbres. Cela fait quelques semaines que l'armée a lancé ses opérations contre les zones libres. L'offensive a lieu partout en Europe et dans le monde. Elle a commencé également dans notre région, celle de l'ancienne Bretagne.
L'armée se contente pour l'instant de nous envoyer des patrouilles de reconnaissance, pour tester notre résistance.
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Les « sauvages », c'est ainsi qu'ils nous appellent, en fronçant le nez. Je trouve pourtant le terme plutôt flatteur, même venant de leur part.
Le commando avait été parachuté dans notre secteur. Les soldats se sont déployés en éventail pour ratisser cette partie de la forêt.
Heureusement pour eux, nous sommes des sauvages mais nous ne sommes pas des barbares - contrairement à ce qu’ils prétendent. Nous sommes pacifiques. Et c’est apparemment ce qui les dérange le plus chez nous !
Le commando continuait sa progression à travers la forêt. Les intentions des soldats étaient claires. Ils étaient venus dans la forêt pour nous en chasser ou faire de nous leurs esclaves. Ils étaient venus pour piller et violer, pour prendre possession de cette terre, au nom de la civilisation.
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Malgré cela, il était peut-être encore possible de régler cette situation de manière pacifique. Nous pouvions essayer, à notre façon...
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Horde sauvage.
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Nous avons réuni les prisonniers et nous nous sommes adressés à eux pacifiquement.
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Nous avons pris notre décision. Ils étaient venus semer la mort et la désolation dans la forêt. Cela méritait évidemment un châtiment...
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Une fois le spectacle terminé, nous avons reconduit nos invités jusqu'à la lisière de la forêt, où nous les avons rendus à la civilisation.
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Ils ne nous laisseront pas le choix la prochaine fois. Nous serons obligés de nous battre et de tuer pour ne pas être tués.
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Chapitre 2
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Les membres de la tribu ont un aspect aussi hétéroclite que le campement : une bande de joyeux hurons, de toutes nationalités, à l'allure de guerriers iroquois ou de chasseurs-cueilleurs post-apocalyptiques, sachant aussi bien tirer à l'arc que cannibaliser un ordinateur.
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Cette décision m’avait valu le regard désapprobateur de son père. Dans la tribu, les jeunes filles sont traitées à l’égal des garçons : elles apprennent comme eux à chasser et à se battre. A son âge, ma fille était déjà une vraie furie, ce qui faisait la fierté de son père.
Mais j'avais refusé qu’elle aille affronter ce commando venu pour nous abattre ou nous mettre en cage.
Notre tribu compte à ce jour une quarantaine d'adultes et une dizaine d'enfants. C'est un effectif élevé pour notre forme de communauté. Une partie d'entre nous se prépare à partir bientôt, pour fonder leur propre tribu.
La forêt d'Yffendic abrite plus d'une cinquantaine de tribus du Peuple Sauvage, reliées entre elles par les liens de l'amitié et de la famille.
Même si chaque tribu a son identité et tient fièrement à son indépendance, chacun d'entre nous se sent d'abord membre de la communauté du Peuple Sauvage, au-delà de son appartenance à une tribu.
Le soir descend à présent sur le campement. Nous allons fêter notre victoire sur les soldats. Certains d'entre nous sont déjà occupés à installer un grand feu au centre de la clairière. Du gibier et des plats aux herbes sauvages sont mis à cuire. Des fumets délicieux montent dans l’air du soir.
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Ce chant fait partie de notre répertoire personnel. Il raconte l'histoire de la tribu tout au long des années, avec ses « faits d'arme » les plus glorieux, ainsi que ses déboires les plus désastreux, restés dans toutes les mémoires...
L'épisode de cette journée fournit aux chanteurs matière à ajouter quelques couplets humoristiques !
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Le sang de la terre.
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La « civilisation » nous a déclaré la guerre il y a bien longtemps. Cela remonte à la nuit des temps...
Ce conflit a pris une nouvelle tournure avec les événements actuels. Les civilisés nous accusent de leur avoir pris une partie de leur territoire. Ils veulent récupérer à présent ce qu'ils considèrent leur appartenir...
La civilisation veut mettre à nouveau la planète sous son joug. Nous savons ce qu'elle en fera, si elle y parvient...
Nous ne la laisserons pas faire.
Le lien qui nous lie à la terre est sacré. Avec ces arbres, ces animaux et ces plantes, elle nous procure de quoi de nous nourrir, nous vêtir, nous soigner.
Nous veillons sur la terre comme elle veille sur nous. Si elle est menacée, nous prendrons les armes pour la défendre. Le Peuple Sauvage entrera en guerre.
Nous nous battrons sans merci pour défendre les forêts, les prairies, les rivières. Nous donnerons notre vie, s'il le faut, pour que la terre reste libre et fertile pour nos enfants et leurs descendants..
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Depuis ces derniers mois, la révolte gronde à nouveau parmi les citadins. Leurs conditions de vie ont encore empiré. Ils ont été plus nombreux à venir nous rejoindre cette année.
Il en est de même dans toute l'ancienne Europe, apparemment. Cela explique que les gouvernements aient commencé à déployer leurs forces armées.
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Le Peuple Sauvage.
Je ne me suis pas encore présentée à vous qui lisez ces lignes… Mon nom est Léa. Je fais partie du Peuple Sauvage.
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J'ai perdu la notion du temps avec les années, mais pas assez pour ne plus savoir mon âge ni l'année où nous sommes. Sans doute un vieux réflexe d'une ex-civilisée.
J'ai fêté mes 50 ans cette année. Ma vue est moins perçante qu'autrefois et je ne cours plus aussi vite à travers la forêt. Mais je peux encore donner quelques leçons à ceux qui s'avisent de me manquer de respect !...
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Chapitre 3
Début des années 1990 – Banlieue de Lyon - France
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Toute petite déjà, mes parents disaient de moi que j’étais une vraie « sauvage ». J’ai appris à marcher avant de savoir parler. J’escaladais les barreaux de mon parc, pour partir à la découverte du monde ! Dans les limites de l’appartement et parfois au-delà !
J’ai grandi dans la brique et le béton. Je m’y suis toujours sentie à l’étroit, en manque de « verdure ».
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Je faisais des caprices horribles quand venait l'heure de quitter le square. Mes parents devaient me ramener à la maison en me traînant par la main ou par les pieds, selon ce qu'ils réussissaient à attraper...
Enfin, c'est ce qu'ils m'ont raconté. Ils en rajoutaient peut-être un peu dans leurs souvenirs !...
Mon imagination m’emportait à des milliers de kilomètres, dans des pays imaginaires tirés de mes livres d’enfance. Quand la maîtresse ou le prof me posaient une question, je les dévisageais avec étonnement. Le retour sur terre était souvent désagréable…
La marche du progrès.
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Mon père était mort quelques années plus tôt, à cause d’un autre fléau : la contamination par des particules « nanogènes », que l’on avait répandues à tout va dans la nature...
Le héros de ma jeunesse était mon grand-père, du côté de ma mère.
Mon grand-père était le vilain petit canard de la famille. Son côté anarchiste et ses multiples relations féminines, parfois simultanées, suscitaient la réprobation générale.
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A sa dernière sortie de prison, ses anciens amis s'étaient rangés ou dispersés aux quatre vents. Sa famille ne voulait plus entendre parler de lui. Mon grand-père a choisi de refaire sa vie à la campagne, loin du monde.
J'avais déjà 8 ou 9 ans lorsque j'ai fait sa connaissance. Ma mère m'avait emmenée avec elle pour lui rendre visite dans sa « campagne ».
souliers la première fois que je l'ai rencontré. Mais j'avais apparemment réussi à amadouer ce « vieil ours mal léché » !
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Mes séjours chez mon grand-père sont vite devenus une habitude. Le vieil ours mal léché habitait dans un village au fond de la Lozère, un département qui se trouve lui-même au fin fond de la France, pour le plus grand bonheur des Lozériens.
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Nous passions déposer ma valise dans sa maison. Le temps de dire bonjour à quelques voisins en cours de route et le reste de la journée était à nous !
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Une sensation d'ivresse s'emparait de moi quand nous étions dans la nature.
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La fin des vacances arrivait toujours trop vite. Je quittais d’un cœur lourd mon grand-père et les coteaux de la Lozère.
Marche ou rêve.
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Ces années ont passé sans que je m'en rende compte. Au lycée, je suis allée jusqu'au bac. Je poursuivais mes études sans avoir vraiment envie de les rattraper...
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Mes parents n'ont pas trop apprécié la plaisanterie. Je n’avais plus le choix, l’heure était venue d’entrer dans la vie « active », même si aucune des « activités » proposées ne me paraissait épanouissante...
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Tout au fond de moi, j’entendais résonner l’écho de « l’appel de la forêt » mais je ne savais comment y répondre. .
J’ai mis le cap sur l’inconnu...
Suite de l'histoire de Léa et du Peuple Sauvage
La suite de l’histoire de Léa est racontée à partir d’ici d'une façon plus résumée mais complète.
Ce récit est divisé en plusieurs chapitres, de manière chronologique (2010-2020-2030...).
Certains chapitres sont précédés d’une présentation du contexte historique (tel que nous l’imaginons…), notamment pour les événements de la période 2021-2040.
Suite de l’histoire de Léa et du Peuple Sauvage ci-dessous...
Chapitre 4
Léa : 2010 – 2020
« L’inconnu » s’avère hélas limité pour l'instant aux recherches d’emploi. Un domaine dans lequel Léa a encore moins d’ambition que de qualification.
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Certes, elle a suivi avec assiduité les cours du soir de son grand-père anarchiste - une formation au contenu instructif et utile en toute situation. Mais elle ne se sent pas véritablement l'âme d'une rebelle.
Léa ne cède pas au découragement. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, elle épluche les petites annonces et prend place dans les queues de l’Anpe et des agences d’intérim.
Au gré de l’offre et de la demande, elle papillonne d’un « petit boulot » à un autre. Serveuse, vendeuse, manutentionnaire, chauffeuse-livreuse... Les places sont chères, inversement aux salaires. Les fins de mois sont difficiles, les débuts aussi… Léa emprunte de l’argent à son banquier, qu’elle réussit à apprivoiser de son sourire innocent.
Elle a parfois la chance de trouver un contrat dans un domaine qui lui plait : jardinage ou bricolage. Elle prend généralement ce qu’il y a. Elle travaille plusieurs mois dans un abattoir industriel, sans s’en vanter auprès de ses amis, plus végétariens qu’elle.
Trois années ont déjà passé, bientôt quatre. L’enthousiasme de Léa faiblit. Elle broie du noir et se met au vert chez son grand-père, entre deux recherches de boulot.
Greenpeace Corporation.
En parallèle, Léa s’est inscrite à Greenpeace. Elle participe aux actions du militant de base : signature de pétitions, opérations de « sensibilisation » dans des supermarchés, cortèges dans les manifs, etc.
Léa ne tarde pas à être déçue par le côté bureaucratique et réformiste de l’organisation.
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Léa ne tarde pas à délaisser Greenpeace. Elle se contente d’aller aux manifestations avec quelques amis altermondialistes, pour y respirer le doux parfum des gaz lacrymogènes...
Droopy.
A l’occasion d’un de ses contrats en intérim, Léa fait la connaissance d’un jeune homme, surnommé « Droopy », qui est militant anarcho-syndicaliste. Droopy est adhérent à la CNT, la bête noire (et rouge) des DRH et des exploiteurs du prolétariat.
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Léa tombe sous le charme de Droopy, sans pour autant épouser la cause anarcho-syndicaliste…
Léa a du mal à comprendre cette foi dans la science et le progrès social, qui anime les anarcho-communistes.
A les en croire, la civilisation n’est pas une mauvaise chose en soi. Nous pourrions être parfaitement heureux en travaillant simplement quatre heures par jour. Les machines feraient tout le boulot et on passerait l’après-midi à la plage.
Léa n’est certes pas opposée à ce programme alléchant, surtout pour ce qui concerne la partie consacrée à la plage, où elle passerait bien ses journées entière avec Droopy et ses camarades.
Mais elle n’est pas convaincue par l’idée que de merveilleuses machines puissent faire tout le boulot, sans que cela ne s’accompagne finalement d’une organisation sociale identique à la nôtre.
Pour Léa, les « anarchistes des villes », comme elle les appelle, sont un peu trop civilisés à son goût. La nature et les êtres vivants n’ont guère de place dans leur vision, sauf de façon décorative, à l’heure du coucher de soleil.
Léa ressent les choses différemment et elle s’en aperçoit à cette occasion. Pour elle, c’est au sein de la nature que l’être humain a sa place. C’est là seulement qu’il peut vivre libre.
Ces différences de vue n’empêchent pas Léa et Droopy de s’attacher l’un à l’autre. Léa invite le jeune anarcho-syndicaliste en Lozère, pour qu’il y fasse la connaissance des moustaches de son grand-père et de son alambic...
Hanovre 2015.
L’année suivante, Léa participe à la manifestation contre le sommet du G8, qui a lieu en Allemagne.
L'Allemagne est alors un pays en pleine mutation : ses gouvernements successifs se sont prononcés pour un retour à l'énergie nucléaire. Les énergies « alternatives » ne sont plus considérées comme capables de faire face à l'épuisement futur du pétrole et du gaz.
La fermeture des anciennes centrales nucléaires a été annulée. De nouvelles centrales nucléaires sont mises en chantier à partir de 2013.
L’Allemagne est à la pointe du « capitalisme vert » et du « libéralisme éclairé ». Face à cela, une partie de l’opposition s’est radicalisée, comme dans l’ensemble de l’Europe.
Au sommet du G8 à Hanovre, les manifestations sont impressionnantes. Les manifestants, venus du monde entier par centaines de milliers, se font soigner les bronches aux lacrymos, selon la tradition... Une tradition personnelle également pour Léa, qui est cette fois aux premières loges.
La manifestation dégénère dès le premier jour et donne lieu à des affrontements violents avec la police pendant la semaine qui suit.
Matraquages à tout va, arrestations musclées, canon à eau, flash-balls à bout portant... Les violences policières provoquent l’indignation des manifestants les plus pacifiques, dont une partie finit par se joindre aux émeutiers et aux « casseurs ».
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La ville passe une semaine agitée...
Des banques et des centres commerciaux sont mis en « libre-service », aux cris de Vive l'Anarchie !
Les manifestations prennent des tournures débridées et inhabituelles. Comme celle de ces adeptes du vomit-in, qui se font vomir en public devant les restaurants chics des beaux quartiers.
Ou comme ces manifestants, ayant visiblement perdu la raison, qui attaquent le service d'ordre du G8 à coups de polochons et d'ours en peluche...
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Léa sort à peu près indemne de ces journées de tumulte. Elle s’en tire avec un œil au beurre noir et les côtelettes en vrac, mais ravie d’avoir semé la zizanie et bien rigolé pendant toute une semaine. Voilà enfin une activité qui lui plaît ! Elle va pouvoir mettre ça en tête de son CV.
Pour Léa c’est une forme de révélation. Au cours des manifestations, elle a fait la connaissance d’un groupe d’éco-activistes de diverses nationalités, vivant dans des squats, organisés au sein d'un réseau européen, de l'Allemagne à l'Espagne, en passant par la République Tchèque ou les Pays Scandinaves.
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Les éco-activistes exercent leurs talents dans de multiples domaines : opérations contre les trains « castor » (transports de déchets nucléaires)... .sabotage d'installations industrielles... actions pour empêcher la coupe à blanc des forêts... attaques de fermes d'élevage hors-sol... de laboratoires de vivisection... de chantiers de centrales nucléaires...
La société civilisée a toujours fait preuve d’une grande inventivité dans le domaine des nuisances et de la malfaisance. Ses adversaires n'ont que l'embarras du choix pour agir !...
Les éco-activistes opèrent par petits groupes, indépendants les uns de autres. On y trouve des personnes de tous les milieux sociaux et de toute culture, qui ont en commun le désir de défendre la nature et de vivre dans une société qui ne considère pas l'être humain comme une machine.
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Léa participe à plusieurs actions de sabotage et se révèle plutôt douée dans ce domaine. Le maniement de la clef-à-molette, du pied-de-biche ou du chalumeau oxhydrique n'ont bientôt plus de secret pour elle.
Parmi la panoplie du « vilain petit éco-saboteur », l’une des mauvaises blagues préférées de Léa est la stink bomb, ou skunk attack...
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Quelques gouttes de cette potion magique, déposées subrepticement dans un conduit de ventilation, suffisent à empuantir tout un immeuble. Les bureaux d’une entreprise du lobby nucléaire, par exemple...
Cet élixir fait également son effet dans un magasin de manteaux de fourrure à 5 000 euros pièce. Un petit cadeau de la part des visons élevés en batterie et nourris avec de la viande de baleine en voie d’extinction, officiellement « interdite » à la pêche.
Les éco-activistes pensent qu'il ne faut pas attendre que la nature ait disparu pour prendre sa défense.
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Face à la méga-machine.
Au cours de cette période d’effervescence, Léa doit faire face aussi à une triste nouvelle : la mort de son père. Un deuil qui la marque profondément, et qui vient renforcer sa détermination.
Le père de Léa fait partie des victimes de la première vague des maladies nanogènes, ces nouvelles pathologies engendrées par l’utilisation incontrôlable des nanotechnologies (dans les aliments, les peintures, les médicaments, les vêtements, les télécommunications, etc).
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Les « OAM » (Organismes Atomiquement Modifiés) pénètrent et s’accumulent dans le corps humain sans aucune barrière, attaquant le système immunitaire et détruisant les fonctions vitales.
Mi-machines mi-êtres vivants, certains de ces cyber-organismes infra-cellulaires colonisent les malades et se répandent dans la population, à la manière d'une épidémie incontrôlable.
Après l’enterrement de son père, Léa retourne en Allemagne auprès de ses amis.
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Le mouvement a du plomb dans l’aile. Du fond de sa prison, Léa fait partie de ceux qui pensent qu’il faut passer à autre chose. Mais à quoi ? Comment agir ?...
Pendant ce temps, la « mega-machine » poursuit sa route. Impassible, inhumaine, elle continue d’accomplir la destruction de la planète.
Contexte historique : 2021, l'année du krach
L’année 2021 est marquée par un événement qui ne passe pas inaperçu : le franchissement du « pic pétrolier » et le krach économique mondial qui en résulte.
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L'huile de pierre.
Le pétrole est le talon d’Achille de notre civilisation. Depuis le milieu du siècle dernier, notre développement économique a reposé sur l’utilisation d’une ressource naturelle merveilleusement abondante, quoique non renouvelable : le pétrole.
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En quelques décennies, le pétrole est devenu notre première source d'énergie et de matière première, loin devant toutes les autres.
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Directement ou indirectement, le pétrole est aussi la première source de profit dans notre société.
Notre développement industriel et notre prospérité économique reposent sur le pétrole.
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Sans alternative.
Le « capitalisme vert » ne change pas la donne. Son objectif reste la recherche du profit capitaliste, par le développement d'une société industrielle, avec la consommation énergétique sans limite qui l'accompagne.
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Elles doivent s'accompagner d'une utilisation alternative de l'énergie, par des communautés à taille humaine, réparties harmonieusement sur le territoire.
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La plus célèbre de ces réalisations, inaugurée à l'aube des années 2020, est la centrale solaire Désertec.
Une installation au coût pharaonique, au rendement médiocre et aux effets écologiques désastreux : des milliers de kilomètres carrés de panneaux solaires utilisant des matériaux hautement polluants, une consommation d'eau colossale (en plein désert) pour approvisionner les réacteurs, une déperdition calorique et des pertes en ligne dispendieuses, pour acheminer à des milliers de kilomètres de là une électricité qui pourrait être produite localement ou remplacée par d'autres sources d'énergie...
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Et la meilleure source de profit se trouve être encore le pétrole.
En 2020, la source d'énergie (et de matière première) la plus utilisée reste le pétrole, loin devant toutes les autres.
Le nucléaire, le gaz ou le charbon répondent à certains besoins, mais ils sont beaucoup moins diversifiables et universels que le pétrole..
Le capitalisme vert carbure à l'or noir.
La consommation de pétrole n'a pas ralenti, bien au contraire. Au cours de ces deux dernières décennies, la croissance économique s'est accompagnée d'une augmentation record de la consommation mondiale de pétrole. L'or noir coule à flot. Le pétrole n'a jamais autant rapporté.
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Sans retour.
L'événement déclencheur a eu lieu quelques années plus tôt au Moyen-Orient, où se trouvent les plus grands gisements pétrolifères de la planète.
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Dès les années 2010-2015, ces gisements ont montré les premiers signes d'épuisement. Leur production s'est mise à baisser, insensiblement mais irréversiblement...
Les autres gisements de pétrole, ailleurs dans le monde, étaient déjà sur le déclin depuis plusieurs années.
En 2021, le déclin des champs pétrolifères du Moyen Orient s'accélère. Les nouveaux gisements ne sont plus en progression...
Le krach pétrolier final, sans retour, vient de commencer.
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Au lendemain du « pic », les réserves mondiales de pétrole sont estimées à dix ans, à plein rendement.
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Si on aspire trop fort, ou si on aspire trop longtemps, l'éponge se met à fuir et son précieux contenu se disperse dans les profondeurs de la terre, de manière irrécupérable. Le rendement d'un gisement pétrolifère décroit alors rapidement.
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La fin du pétrole apparaît soudain comme une fatalité à envisager dans un avenir proche. Le pétrole va bientôt disparaître, ainsi que le mode de vie qui va avec.
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Cette perspective a des effets immédiat. La fièvre s'empare des marchés boursiers. L'annonce de la baisse de la production de pétrole fait monter en flèche le cours du pétrole, vers des sommets sans précédents.
Même si ce recul de la production est encore limité, il a lieu sur un marché où la demande est en hausse permanente depuis plusieurs décennies.
Le prix de l'essence augmente de 25% dans l'année qui suit. Le gasoil, le kérosène ou le mazout sont sur la même pente ascensionnelle.
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Ceci afin de permettre l'accélération de la croissance économique, grande consommatrice de pétrole. Si nous avions eu un pétrole « cher » ou consommé de façon économe, le monde serait devenu bien différent de ce qu'il est.
L'effet du passage du « pic pétrolier » s'avère d'autant plus violent. Le cours du pétrole rattrape son « retard ». Il récupère sa véritable valeur, au plus mauvais moment : celui où sa consommation n'a jamais été aussi élevée...
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Le pic pétrolier provoque un début de krach boursier. Les perspectives alarmistes font plonger les places boursières, en situation fragile après plusieurs décennies de croissance effrénée et de bulles financières explosives.
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La crise pétrolière est lourde de conséquences pour les ressources alimentaires mondiales, qui proviennent en majorité de l'agriculture industrielle :
- Le premier effet est l'augmentation du prix des denrées alimentaires, qui suit la courbe ascensionnelle du pétrole.
- L'autre conséquence est un risque de pénurie alimentaire, quand le pétrole viendra à manquer pour faire pousser les céréales, alimenter le bétail, approvisionner les villes, et nourrir ainsi le monde.
Les stocks alimentaires mondiaux ne sont que de quelques mois. Ils se trouvent en baisse constante depuis le début du siècle, suite à la réduction des terres arables, aux effets des engrais industriels, à la déforestation ou au réchauffement climatique (sècheresses, « stress hydrique »).
La crise pétrolière vient s'ajouter au bilan négatif de l'agriculture industrielle, dont les « rendements » sont en recul depuis plusieurs décennies.
En 2021, alors que le choc pétrolier prend de l'ampleur, la menace de pénurie alimentaire grandit et s'ajoute à la hausse des prix alimentaires, dans le monde entier.
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En 2021, la science n'a pas de « remède miracle ». Elle n'est pas prête dans l'immédiat à assurer la relève du pétrole et de ses produits dérivés.
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Dans le domaine des carburants, la situation n'est guère plus encourageante. Certes, des solutions de remplacement ont déjà été expérimentées : agrocarburants, batteries électriques, butane/propane, éthanol, hydrogène liquide, carburant obtenu à partir de la fermentation des algues, etc...
Cependant, aucune de ces solutions ne n'est montrée viable à grande échelle. Leur mise en place est trop lourde ou incompatible avec les ressources de la planète (comme dans le cas des agrocarburants).
Là non plus, la science et la technique ne sont pas prêtes à combler en quelques années la disparition progressive du pétrole.
Il sera impossible de répondre à la consommation mondiale quotidienne, en croissance exponentielle depuis 20 ans.
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Le recours au rationnement est à prévoir, dans tous les domaines, en attendant que soient développées et mises en place les technologies de remplacement du pétrole..
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L'onde de choc du pic pétrolier produit ses premiers effets dès 2021. L'ensemble du système économique est touché. Le monde plonge lentement dans la crise. Une crise qui s'étend progressivement à tous les secteurs : transport, alimentation, chauffage...
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Les gouvernements décrètent un état d’urgence planétaire, qui va durer plusieurs années, le temps que le monde s'organise pour « l’après pétrole ».
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Malgré cet appel au calme, la dégradation des conditions de vie (rationnements, pénuries, famines, épidémies) engendre des émeutes et des mouvements de révolte dans la population (cf période suivante 2030-2040).
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Le chaos menace. La civilisation industrielle est confrontée à la crise la plus grave de son histoire. Elle n'échappe pas aux conséquences. Son empire se morcèle en de nombreux endroits.
Une partie du territoire échappe progressivement au contrôle des gou-vernements : des « zones libres » apparaissent dans les régions rurales.
Ailleurs, dans les villes et autour des points vitaux du territoire, le pouvoir gouvernemental use de la force nécessaire pour préserver la loi et l'ordre (cf chapitres chronologiques suivants).
La civilisation évite le KO. Elle a tenu bon et ne s'effondre pas.
Du moins pour l’instant.
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Chapitre 5
Léa : 2020 - 2023.
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Léa retourne en France. Elle trouve refuge chez son grand-père, qui l’accueille avec le chapeau de paille de son enfance.
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Depuis quelque années, la culture des OGM est autorisée en Europe et se trouve en plein essor. Mais la nature joue les troubles fête et vient prêter main forte aux opposants aux OGM : des plantes comme l’amarante et d’autres « mauvaise herbes » sèment la pagaille dans les cultures transgéniques.
Ces plantes sont résistantes aux herbicides et envahissent les plantations d’OGM, prenant leur place au passage.
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Avec son grand-père et quelques complices locaux, Léa se livre à des actions de guérilla jardinière, en allant semer la « mauvaise graine » dans les champs d'OGM de la région...
(Pour découvrir les méthodes pacifiques de la « guérilla jardinière », http://www.guerrillagardening.org/ et http://jardinpotagerurbain.wordpress.com/)
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Un repas gastronom'atomique.
Lorsqu'arrive l'année 2021, l’attention se porte sur un tout autre événement : le pic pétrolier mondial, qui fait les gros-titres de tous les journaux.
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Une centaine de spécialistes internationaux sont réunis pour la ratification de nouvelles normes de radioactivité, autorisées dans l'activité des centrales nucléaires et le traitement de leurs déchets.
Les nouvelles normes, plus permissives que jamais, sont adoptées à l'unanimité, sans surprise..
Au cours de la conférence de clôture, les caméras de télévision filment en direct un spectacle inattendu : un mal étrange semble s'emparer de la quasi-totalité des participants...
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« Le cancer nucléaire détruit la planète » accusent les éco-activistes. « La terre, l'air et l'eau sont empoisonnés par les radiations qui s'échappent des centrales et de leurs déchets. Cette radioactivité s'accumule dans les chaînes alimentaires et tue les êtres vivants. Poissons, coquillages, oiseaux, mammifères, êtres humains : tous sont victimes, l'un après l'autre.
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Bien qu’elle n’ait pas participé à cette action, elle a eu des liens par le passé avec certains de ses auteurs, dont elle a reconnu l'humour vengeur.
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Contexte historique : 2021 - 2030
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La description plus précise de l'enchaînement de ces deux périodes se trouve dans la rubrique chronologique suivante : "Contexte historique 2030-2040".
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A pied, à cheval, mais plus en voiture.
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Le choc pétrolier de 2021 ébranle en profondeur l'économie mondiale.
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La première conséquence, la plus directe, est l'augmentation du prix de l'essence. Une augmentation rapide, avec des paliers, mais irréversible.
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Les bouchons des départs en vacances restent encore à la mode, même s'ils sont moins importants qu'avant. On s'offre une dernière fois le plaisir de brûler de l'essence pour aller s'entasser sur les plages ou semer des papiers gras dans la campagne.
La consommation mondiale de pétrole reste encore élevée. Les gouvernements prennent les premières mesures de rationnement.
De 2021 au début des années 2030, le prix du baril de pétrole se trouve multiplié par trois, et il continue à grimper. L'essence devient un produit de luxe, réservé à quelques uns.
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A la campagne, la charrette à cheval ou le char à boeufs prennent peu à peu la place du tracteur.
La civilisation ne s'est pas effondrée mais son « tissu » s'étiole par endroit. Des zones « incivilisées » apparaissent et se développent dans certaines régions.
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Un mouvement de migration de la population a lieu des villes vers les campagnes. Ce phénomène a commencé dans la décennie précédente, où l'on a assisté à un début de repeuplement des campagnes.
La crise pétrolière a pour effet de redessiner la carte géographique. Avec l'augmentation du prix de l'essence et l'abandon progressif de l'utilisation de la voiture, les distances kilométriques « s'agrandissent » : là où il fallait 10 minutes pour faire dix kilomètres en voiture, il faut à présent deux heures en marchant d'un bon pas.
Les campagnes se repeuplent tout en « s'éloignant » des villes, matériellement et psychologiquement. Les régions retrouvent leur autonomie. La situation devient propice à la remise en cause du pouvoir gouvernemental...
La situation est identique partout en Europe et dans tous les pays industrialisés.
La situation sociale explosive dans les villes provoque des tentatives de soulèvement anarcho-communiste, qui sont rapidement matées par les forces de l'ordre.
C'est à l'écart des grandes villes, dans les campagnes, que la fronde des « incivilisés » s'étend progressivement, donnant naissance aux « zones libres ».
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Sur ce vaste territoire, cohabitent des communautés de toutes obédiences politiques ou religieuses.
L'ensemble forme un patchwork culturel au sein duquel les relations sont parfois houleuses ou hostiles, mais où l'on se retrouve côte à côte pour faire face à l'autorité gouvernementale.
Au fil du temps, les habitants des « zones libres » acquièrent une identité collective et développent une économie mutuelliste, qui fédère entre elles les communautés et l'ensemble des régions concernées.
(Pour plus de détails sur l'économie mutuelliste, voir le blog « Graine de Flibuste » : http://fr.wordpress.com/tag/mutuellisme/ )
Les habitants des « zones libres » défendent de façon spontanée une nouvelle façon de vivre, proche de la nature et humaniste.
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L'affaiblissement du pouvoir gouvernemental offre à ces territoires un répit momentané, de quelques années...
Au cours de la décennie suivante, le pouvoir central se réorganise. La civilisation retrouve des forces et se prépare à reprendre le contrôle de ce qu’elle avait dû abandonner...
(La question de la crise alimentaire est abordée dans un chapitre à part - cf Contexte chronologique 2030-2040).
Chapitre 6 - Première Partie
Léa : 2024 – 2030
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Après avoir passé quelque temps en Angleterre, Léa trouve refuge au Canada, au sein du réseau éco-anarchiste.
Plus de trois ans se sont écoulés depuis le choc pétrolier, dont les conséquences se font sentir plus fortement de jour en jour.
Le chômage et la pauvreté sévissent dans les villes, incitant à des migrations vers les campagnes. Le mouvement, qui avait débuté il y a quelques années, s'accentue.
Ecovillages ou communautés rurales fleurissent dans les vallées, sur les collines, à la lisière des forêts.
Cette vie n’est pas idyllique pour autant. La violence et la criminalité font aussi partie du quotidien.
Certaines de ces communautés sont sous la coupe de petits chefs locaux, qui profitent de la situation pour s'approvisionner en main d'oeuvre bon marché, destinée à tous les usages.
Parmi ces communautés, celles fondées par les éco-anarchistes – à la fois écologistes et libertaires - sont parmi les plus anciennes et elles ont eu une influence importante par leur conception particulière des relations entre la nature et l'être humain.
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Jardin forestier.
Le principe de la permaculture est de prendre modèle sur les écosystèmes naturels pour améliorer notre façon de « produire » de la nourriture, ou notre façon de vivre en général.
Dans le cas de l'agriculture, cela permet d'obtenir de biens meilleurs résultats que l'agriculture traditionnelle, d'une façon qui est à la fois bénéfique à la nature et à l'être humain.
La permaculture donne à l'ensemble de la population de la planète la capacité à se nourrir, avec une nourriture de bien meilleure qualité que celle que nous connaissons.
Dans la communauté qui accueille Léa, l'agriculture et l'élevage sont pratiqués au sein d'un « jardin forestier », où cohabitent espèces domestiques et essences naturelles.
Les animaux de basse-cour déambulent librement dans le verger. Le potager et les plantes sauvages font bon voisinage, en lisière d'un sous-bois ou d'une prairie bordée de haies naturelles, où paissent les troupeaux.
Les nouvelles communautés agricoles aident la terre à panser ses plaies. Les écologistes-libertaires rendent leur liberté aux rivières ou nettoient les sols de leurs pesticides.
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La nature semble donner une seconde chance à l'être humain.
Une âme nomade.
L'envie de reprendre la route lui vient pourtant certains matins. Elle se rend compte qu'elle n’a pas encore l’âme d’une sédentaire.
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Léa a entendu parler de certaines communautés qui vivent au cœur de la nature la plus sauvage. Parmi les précurseurs de ce « réensauvagement », les plus déterminés se sont installés en Amérique du Sud, à la frontière de la Guyane et du Brésil, depuis une vingtaine d’années. Ils y ont fait leur place depuis, avec succès.
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Réensauvagement.
Arrivés sur place, les nouveaux venus sont accueillis à bras ouverts, mais l'acclimatation n’est pas facile. Léa constate que le retour à la vie sauvage demande non seulement un long apprentissage, mais un véritable retour à soi-même.
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Au fond de chacun d'entre nous sommeille un « sauvage », dont. nous .avons gardé la mémoire et qui attend patiemment de pouvoir retrouver un jour la liberté.
Mais après plusieurs siècles d'éducation civilisée, le « sauvage qui est en nous » a perdu beaucoup de ses forces et de son instinct. Nous nous y prenons peut-être trop tard pour lui rendre sa liberté...
Au coeur de la forêt Amazonienne, Léa et ses compagnons partent en quête de ce lien perdu avec la nature sauvage.
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...La vie possède encore ici son énergie primitive, qui donne à la nature sa beauté originelle, celle qu'elle avait au premier matin du monde. Une beauté sauvage, indomptable.
...C'est de cette énergie primitive que naît notre désir de liberté. C'est grâce à elle que les êtres humains briseront un jour leurs chaînes et pourront vivre à nouveau dans la nature sauvage, en paix et en toute liberté ».
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Au coeur de la forêt.
Cela fait deux ans que Léa est en Amérique du Sud, quand elle apprend la nouvelle du décès de sa mère dans une épidémie.
Léa fait ses adieux à ses compagnons d'Amérique, qui l'ont initiée à la vie sauvage.