Chapitre 5

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Léa : 2020 - 2023.
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Jardinage.
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Nous retrouvons Léa à sa sortie de prison, au début de l'année 2020 (avant le pic). Elle est expulsée d’Allemagne manu-militari, avec interdiction d’y revenir pendant 10 ans.
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Léa retourne en France. Elle trouve refuge chez son grand-père, qui l’accueille avec le chapeau de paille de son enfance.
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Léa a besoin de faire le point et de souffler un peu. Elle se tient à carreau pendant quelque temps, se contentant de faire pousser quelques mauvaises herbes dans le jardin de son grand-père.
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Depuis quelque années, la culture des OGM est autorisée en Europe et se trouve en plein essor. Mais la nature joue les troubles fête et vient prêter main forte aux opposants aux OGM : des plantes comme l’amarante et d’autres « mauvaise herbes » sèment la pagaille dans les cultures transgéniques.
Ces plantes sont résistantes aux herbicides et envahissent les plantations d’OGM, prenant leur place au passage.
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Avec son grand-père et quelques complices locaux, Léa se livre à des actions de guérilla jardinière, en allant semer la « mauvaise graine » dans les champs d'OGM de la région...
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(Pour découvrir les méthodes pacifiques de la « guérilla jardinière », http://www.guerrillagardening.org/ et http://jardinpotagerurbain.wordpress.com/)
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Un repas gastronom'atomique.
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Lorsqu'arrive l'année 2021, l’attention se porte sur un tout autre événement : le pic pétrolier mondial, qui fait les gros-titres de tous les journaux.
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Les conséquences économiques provoquent une forte agitation sociale. Les grèves se succèdent, ponctuées de saccages des bureaux des compagnies pétrolières, ou d'occupations de bâtiments administratifs pour réclamer la suppression de la taxe sur les carburants.
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Les projecteurs des média se braquent également sur l'énergie nucléaire, dont le développement dans le monde s'est accéléré ces dernières années, sans la moindre consultation de l'opinion publique.
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En signe de protestation, un groupe d’éco-activistes se livre à une action lors d'une conférence internationale sur le nucléaire organisée à Paris.
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Une centaine de spécialistes internationaux sont réunis pour la ratification de nouvelles normes de radioactivité, autorisées dans l'activité des centrales nucléaires et le traitement de leurs déchets.
Les nouvelles normes, plus permissives que jamais, sont adoptées à l'unanimité, sans surprise.
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Au cours de la conférence de clôture, les caméras de télévision filment en direct un spectacle inattendu : un mal étrange semble s'emparer de la quasi-totalité des participants...
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Les éminents scientifiques s'agitent sur leur siège en se tenant le ventre avec des grimaces de douleur : les uns après les autres, ils sont pris de vomissements ou d'une diarrhée irrépressible, avant de s'effondrer sur le sol, le teint cireux, les yeux révulsés.
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Les victimes sont mises sur des civières dans une cohue apocalyptique et transportées vers l'hôpital le plus proche, où elles finissent par reprendre connaissance au bout de quelques heures.
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Des tracts distribués anonymement dans la foule revendiquent l'action, qu'ils décrivent sous le terme de « repas gastronom'atomique ».
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Les auteurs expliquent avoir substitué le stock de bouteilles d'eau et de rafraichissements fournis à la conférence, pour le remplacer par un « cocktail maison », un château-la-pompe bourré de toutes sortes de détergents, incolores et inodores, accompagnés d'une dose d'un nano-narcotique dernier cri, capable d'assommer un éléphant.
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Les victimes de cette petite farce n'auront à souffrir que d'un léger mal de tête et d'une atteinte à leur dignité...
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D'autres n'ont pas leur chance, comme le rappellent les activistes anti-nucléaires : des milliers de personnes dans le monde sont victimes de malaises sesemblabes, causés cette fois par les rejets radioactifs de l'industrie nucléaire.
Lorsque ces personnes sont prises de vomissements ou de diarrhée, et qu'elles sont emmenées à l'hôpital, victimes d'hémorragies, c'est pour ne plus jamais se réveiller...
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« Le cancer nucléaire détruit la planète » accusent les éco-activistes. « La terre, l'air et l'eau sont empoisonnés par les radiations qui s'échappent des centrales et de leurs déchets. Cette radioactivité s'accumule dans les chaînes alimentaires et tue les êtres vivants. Poissons, coquillages, oiseaux, mammifères, êtres humains : tous sont victimes, l'un après l'autre.
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Dans les mines d'uranium, dans les opérations de maintenance des centrales nucléaires, dans les usines de retraitement, .des êtres humains sont exposés chaque jour à des radiations qui ruinent leur santé. Les atomes radioactifs s'incrustent dans leurs os, qu'ils rongent jour après jour, sans rémission.
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L'énergie nucléaire tue depuis des décennies, elle tue de plus en plus et elle va continuer à tuer pendant des siècles. Nous devons mettre fin au nucléaire avant qu'il ne mette fin à toute vie sur terre ».
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Dès le soir-même, l'incident survenu à la conférence fait la une de tous les média. Les commentateurs s'insurgent pour la plupart contre ce nouveau méfait des éco-terroristes.
Si cette « petite farce » en fait rire certains, elle ne déride pas la police. L'enquête piétine. Les distributeurs du tract se sont fondus dans la foule. Les auteurs de l'action ont disparu dans la nature...
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Le ministère de l'intérieur français n'entend pas en rester là. La brigade anti-terroriste est mobilisée pour retrouver les coupables.
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La police lance un vaste coup de filet dans les milieux autonomes et anarchistes. Certains des auteurs présumés de « l'attentat » sont arrêtés dans les jours qui suivent.
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Léa sait qu’elle figure sur la liste des suspects et que la police ne va pas tarder à venir lui passer le bonjour...
Bien qu’elle n’ait pas participé à cette action, elle a eu des liens par le passé avec certains de ses auteurs, dont elle a reconnu l'humour vengeur.
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Une interpellation par la police vaudrait à Léa des mois de garde à vue, en prélude à une condamnation pour le principe, à l’issue d’un procès bidon.
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Elle préfère s'exiler pour quelque temps. Elle fait la bise à son grand-père, parvient à passer entres les mailles du filet et quitte la France pour l’Angleterre puis le Canada.
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