Chapitre 6 - Première Partie

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Léa : 2024 – 2030
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Communautés agricoles.
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Après avoir passé quelque temps en Angleterre, Léa trouve refuge au Canada, au sein du réseau éco-anarchiste.
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Plus de trois ans se sont écoulés depuis le choc pétrolier, dont les conséquences se font sentir plus fortement de jour en jour.
La production de pétrole continue à décliner d'année en année. Il y a moins de pétrole qu'il n'en faudrait pour faire tourner les machines, pour irriguer les champs, pour se chauffer... Cette situation de pénurie se répercute dans tous les secteurs. Le système économique est en faillite. La récession ne cesse d'empirer.
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Le chômage et la pauvreté sévissent dans les villes, incitant à des migrations vers les campagnes. Le mouvement, qui avait débuté il y a quelques années, s'accentue.
Ecovillages ou communautés rurales fleurissent dans les vallées, sur les collines, à la lisière des forêts.
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Les habitants des campagnes se montrent hospitaliers envers les nouveaux-venus. La situation de crise ranime un esprit de solidarité humaine. L'heure est à l'entraide et à l'échange.
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Cette vie n’est pas idyllique pour autant. La violence et la criminalité font aussi partie du quotidien.
Certaines de ces communautés sont sous la coupe de petits chefs locaux, qui profitent de la situation pour s'approvisionner en main d'oeuvre bon marché, destinée à tous les usages.
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Parmi ces communautés, celles fondées par les éco-anarchistes – à la fois écologistes et libertaires - sont parmi les plus anciennes et elles ont eu une influence importante par leur conception particulière des relations entre la nature et l'être humain.
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Jardin forestier.
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Au Canada, Léa est accueillie par une de ces communautés, où l’on pratique l'agriculture et l'élevage dans l'esprit de la permaculture.
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Le principe de la permaculture est de prendre modèle sur les écosystèmes naturels pour améliorer notre façon de « produire » de la nourriture, ou notre façon de vivre en général.
Dans le cas de l'agriculture, cela permet d'obtenir de biens meilleurs résultats que l'agriculture traditionnelle, d'une façon qui est à la fois bénéfique à la nature et à l'être humain.
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La permaculture donne à l'ensemble de la population de la planète la capacité à se nourrir, avec une nourriture de bien meilleure qualité que celle que nous connaissons.

Dans la communauté qui accueille Léa, l'agriculture et l'élevage sont pratiqués au sein d'un « jardin forestier », où cohabitent espèces domestiques et essences naturelles.
Les animaux de basse-cour déambulent librement dans le verger. Le potager et les plantes sauvages font bon voisinage, en lisière d'un sous-bois ou d'une prairie bordée de haies naturelles, où paissent les troupeaux.

L'esprit de la permaculture permet à l'être humain de préserver le milieu sauvage tout en y retrouvant sa propre place.
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Après des années d'agriculture « civilisée », les sols et les écosystèmes sont dans un état catastrophique. Ils peinent à retrouver leur santé.
Les nouvelles communautés agricoles aident la terre à panser ses plaies. Les écologistes-libertaires rendent leur liberté aux rivières ou nettoient les sols de leurs pesticides.
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Grâce à ces soins attentifs, la terre renaît à la vie : les prairies refleurissent en quelques saisons, des arbustes réapparaissent en lisière des bois et poussent avec enthousiasme sous le regard majestueux de leurs aînés !
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La nature semble donner une seconde chance à l'être humain.
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Une âme nomade.
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Léa passe trois années dans la communauté qui l'a accueillie. Elle est heureuse de participer à cette aventure et d'assister à la renaissance de la terre.
L'envie de reprendre la route lui vient pourtant certains matins. Elle se rend compte qu'elle n’a pas encore l’âme d’une sédentaire.
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Elle en prend conscience en feuilletant son vieil exemplaire de « L'appel de la forêt », aux pages défraîchies.
Un sentiment diffus de manque, d'inachèvement, se manifeste en elle depuis toujours. Et il revient de nouveau à la charge.
Son âme reste nomade. Il en sera sans doute ainsi tant qu’elle n’aura pas encore trouvé sa « destination ».

Léa a entendu parler de certaines communautés qui vivent au cœur de la nature la plus sauvage. Parmi les précurseurs de ce « réensauvagement », les plus déterminés se sont installés en Amérique du Sud, à la frontière de la Guyane et du Brésil, depuis une vingtaine d’années. Ils y ont fait leur place depuis, avec succès.
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A l’invitation d’un groupe de ces « vétérans », Léa part les rejoindre, en compagnie de quelques compagnons de route.
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Réensauvagement.

Arrivés sur place, les nouveaux venus sont accueillis à bras ouverts, mais l'acclimatation n’est pas facile. Léa constate que le retour à la vie sauvage demande non seulement un long apprentissage, mais un véritable retour à soi-même.
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Au fond de chacun d'entre nous sommeille un « sauvage », dont. nous .avons gardé la mémoire et qui attend patiemment de pouvoir retrouver un jour la liberté.

Mais après plusieurs siècles d'éducation civilisée, le « sauvage qui est en nous » a perdu beaucoup de ses forces et de son instinct. Nous nous y prenons peut-être trop tard pour lui rendre sa liberté...
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Au coeur de la forêt Amazonienne, Léa et ses compagnons partent en quête de ce lien perdu avec la nature sauvage.
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Léa relate son expérience dans les lettres qu'elle adresse à son grand-père :
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...« Autour de moi, les arbres bruissent des chants d'oiseaux et des cris des animaux sauvages, l'air s'emplit de la senteur des fleurs. Les chasseurs sont à l'affût dans les taillis, la vie et la mort vont danser leur ballet d'ombre et de lumière.
...La vie possède encore ici son énergie primitive, qui donne à la nature sa beauté originelle, celle qu'elle avait au premier matin du monde. Une beauté sauvage, indomptable.
...C'est de cette énergie primitive que naît notre désir de liberté. C'est grâce à elle que les êtres humains briseront un jour leurs chaînes et pourront vivre à nouveau dans la nature sauvage, en paix et en toute liberté ».

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Au coeur de la forêt.
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Léa passe deux années parmi les tribus éco-anarchistes d’Amérique du Sud, au cœur de la forêt.
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La vie ici se déroule à l’écart du reste du monde. Léa reçoit régulièrement des nouvelles d'Europe par sa mère et son grand-père. La situation là-bas n'est pas brillante pour la civilisation, confrontée au krach pétrolier et aux mutations du climat.
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A la crise économique s'ajoute la dégradation des conditions de vie, entamée depuis les décennies précédentes : chômage, pollution, perturbations climatiques, maladies...

Cela fait deux ans que Léa est en Amérique du Sud, quand elle apprend la nouvelle du décès de sa mère dans une épidémie.
Léa se sent coupable d'avoir abandonné les siens. Cela l'incite à rentrer en France, pour y revoir son grand-père et ce qui reste de sa famille d’origine.

Léa fait ses adieux à ses compagnons d'Amérique, qui l'ont initiée à la vie sauvage.
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