Chapitre 1

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2042 – Zone Libre de l’ancienne Bretagne – Forêt d’Yffendic – Territoire du Peuple Sauvage


Cache-cache.
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Des hélicoptères de combat survolent la forêt. Nous les entendons tourner au-dessus de nous. Ils font un passage à basse altitude pour essayer de nous repérer.

Ils ne peuvent nous voir de là-haut. Nous sommes invisibles dans la végétation. La forêt est devenue notre seconde peau.

Les hélicos continuent à patrouiller au-dessus des arbres. Cela fait quelques semaines que l'armée a lancé ses opérations contre les zones libres. L'offensive a lieu partout en Europe et dans le monde. Elle a commencé également dans notre région, celle de l'ancienne Bretagne.
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L'armée se contente pour l'instant de nous envoyer des patrouilles de reconnaissance, pour tester notre résistance.
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Leur commandant n'a sans doute pas apprécié le sort que nous avons réservé à « l'unité d'élite » qu'ils ont parachutée il y a quelques jours dans la forêt. Un commando d'une quinzaine d'hommes, des soldats « surentraînés », armés jusqu'aux dents... Leur but : capturer des « sauvages » ou les éliminer. Morts ou vifs.
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Les « sauvages », c'est ainsi qu'ils nous appellent, en fronçant le nez. Je trouve pourtant le terme plutôt flatteur, même venant de leur part.

Le commando avait été parachuté dans notre secteur. Les soldats se sont déployés en éventail pour ratisser cette partie de la forêt.
Nous étions tout autour d'eux, invisibles à leurs yeux et à leurs instruments de détection. Toute la tribu sur le pied de guerre. Quarante sauvages à l'air féroce, observant silencieusement leur proie.
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Nous aurions pu tuer les soldats un par un, sans qu’ils ne s’en rendent compte. D’une flèche empoisonnée, d'une attaque silencieuse au couteau, d’une torsion affectueuse des cervicales...

Heureusement pour eux, nous sommes des sauvages mais nous ne sommes pas des barbares - contrairement à ce qu’ils prétendent. Nous sommes pacifiques. Et c’est apparemment ce qui les dérange le plus chez nous !

Le commando continuait sa progression à travers la forêt. Les intentions des soldats étaient claires. Ils étaient venus dans la forêt pour nous en chasser ou faire de nous leurs esclaves. Ils étaient venus pour piller et violer, pour prendre possession de cette terre, au nom de la civilisation.
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Malgré cela, il était peut-être encore possible de régler cette situation de manière pacifique. Nous pouvions essayer, à notre façon...
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Horde sauvage.
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Nous avons surgi de toutes parts sur les soldats. J’ai vu leurs yeux s’écarquiller, leur mâchoire se figer... Notre horde jaillissait de tous les coins de la forêt en même temps : des fourrés, des arbres, de la rivière...
Une horde de guerriers et de furies se précipitant sur leurs proies avec des hurlements sauvages...
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Notre attaque a semé la débandade parmi les soldats. Ceux qui tentaient de résister ont été assommés avant d'avoir pu utiliser leurs armes. Les autres ont pris la fuite sans livrer bataille. Ils sont partis en courant droit devant eux et sont tombés tête baissée dans nos filets...
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Le commando au grand complet, capturé sans dommage.
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Nous avons réuni les prisonniers et nous nous sommes adressés à eux pacifiquement.
Nous leur avons expliqué que nous n'étions pas leurs ennemis. Nous leur avons offert de se joindre à nous, de laisser tomber l'uniforme pour venir vivre dans la forêt. Dans la paix et la liberté.
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Ils n'ont pas répondu. Ils détournaient leur regard du nôtre.
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Nous avons pris notre décision. Ils étaient venus semer la mort et la désolation dans la forêt. Cela méritait évidemment un châtiment...
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Nous les avons fait se déshabiller et nous les avons laissés pendant un petit moment sous l'arbre à guano. Là où nichait une colonie de mouettes arboricoles en pleine digestion...
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Le spectacle nous a fait rire aux éclats. Les sauvages ont un sens de l'humour un peu particulier. Un humour qui laisse des traces, ça ne fait pas de doute !...

Une fois le spectacle terminé, nous avons reconduit nos invités jusqu'à la lisière de la forêt, où nous les avons rendus à la civilisation.

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L'heure ne restera pas à la plaisanterie, c’est à craindre. Les hélicos qui tournent au-dessus de nos têtes apportent avec eux la guerre.
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Ils se sont contentés aujourd’hui de survoler la forêt. Mais ils reviendront, plus nombreux, plus décidés. Ils reviendront pour nous chasser et nous détruire.

Ils ne nous laisseront pas le choix la prochaine fois. Nous serons obligés de nous battre et de tuer pour ne pas être tués.

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